Economie

Les 900 Millions d’euros auront un goût très amer, mais pas que pour Tunis…

Les 900 Millions d’euros auront un goût très amer, mais pas que pour Tunis…

Quant le chef de l’Etat tunisien, Kais Saied et la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni, se sont vus le 6 juin 2023 les sourires étaient de circonstance, étincelants. On ne sait pas tout ce qu’ils s’étaient dit en aparté mais ce qui est certain c’est que le superbe cliché sur le perron du palais de Carthage exhalait la bonne humeur. Quand Meloni est revenue 6 jours après les sourires étaient encore de sortie mais un brin plus crispés. Et pour cause : Tunis et Rome sont entrés dans le dur. Et il n’y a pas que ça qui a changé, il y avait aussi la présence de la présidente de la Commission européenne (CE), Ursula von der Leyen. On sait que l’Allemande a du caractère, qu’elle a de la poigne et qu’elle peut être rugueuse s’il le faut ; ça tombe bien, le président tunisien aussi…

La forteresse Saied a-t-elle tenu ?

Quand c’est important, quand ça pèse trop lourd sur les épaules d’un Etat-membre de l’Union européenne (UE) c’est von der Leyen qui se déplace. Et le fait est que le dossier de l’immigration empêche les Italiens de dormir. Pour une telle affaire la présidente de la CE n’était pas de trop. Et si ça ne suffisait toujours pas il y avait le chef du gouvernement néerlandais, Mark Rutte, de prime abord plus conciliant que ces dames de fer mais il ne faut pas se fier aux apparences.

Les trois dirigeants européens ont attaqué de concert la forteresse Saied. Il faut dire que le chef de l’exécutif tunisien avait pris soin de signifier quelques heures avant de recevoir ses invités qu’il est hors de question que la Tunisie fasse le gendarme pour alléger le fardeau des Européens. Il avait dit aussi qu’il faille d’autres solutions que des interventions musclées pour contenir l’élan irrépressible des déshérités de l’Afrique vers les côtes européennes.

Meloni, von der Leyen et Rutte savaient donc qu’ils marchaient sur des oeufs et ont agi en conséquence. Cela s’est vu dans leur attitude. Vous n’avez pas entendu une once de bruit sur les droits humains et les idéaux démocratiques. Pour des Européens très prompts à donner des leçons c’est très étrange. En fait pas tant que ça à y regarder de plus près : il semble que la doctrine du minimalisme diplomatique instaurée par le président français Emmanuel Macron ait infusé un peu partout…

En dire le moins pour ne pas froisser le partenaire au nom de ses intérêts supérieurs, c’est ce que Macron pratique avec l’Arabie saoudite, avec la Chine, etc. C’est aussi ce qu’il a pratiqué en Tunisie en novembre 2022 lors du Sommet de la francophonie. Et depuis cette date tous les communiqués de l’exécutif français en direction de Tunis ont la même tonalité, au risque de verser dans la langue de bois, d’être insipides et soporifiques. Mais c’est ce qui paye de nos jours. Les Etats, même ceux qui tendent la main, supportent de moins en moins qu’on mette le nez dans leurs affaires.

Tout le monde mange son chapeau, pour la bonne cause

Manifestement les invités de Kais Saied ont bien saisi l’âpreté du terrain et ont fait profil bas sur les sujets qui fâchent. Mais cela ne veut pas dire que pour Tunis la partie sera plus facile pour autant. Quand le président de la République dit qu’il ne fera pas la basse besogne des Européens il est sans doute de bonne foi, il dit ce qu’il pense au fond de lui. Mais hélas la réalité sera toute autre, qu’il le veuille ou non…

Quand les Européens décaissent 100 millions d’euros pour aider la Tunisie à sécuriser ses frontières et renforcer ses patrouilles en mer c’est évidemment pour que les frontières de l’UE soient moins soumises à la pression des migrants. Et on peut compter sur les partenaires européens pour veiller sur la façon dont ce pactole sera dépensé et les résultats obtenus. Et pour cela ils ont une belle carotte : le reste des 900 millions d’euros.

Tunis encaissera certes 150 millions euros immédiatement mais ça c’est juste pour éviter “l’effondrement” du pays, comme ils disent ; c’est la perfusion qu’on fait au malade pour le maintenir en vie. Pour le reste la Tunisie devra trimer et faire ses preuves sur un tas de dossiers, exactement comme avec le FMI. D’ailleurs les termes de l’accord avec l’UE le sous-entendent.

Et tout cela est confirmé par le voyage que fera prochainement le chef de la diplomatie italienne, Antonio Tajani, à Washington pour converser avec son homologue Antony Blinken et les responsables du FMI. Les deux hommes avaient évoqué le dossier de Tunis le 28 mars dernier, place aux actes…

Et pourquoi ce ne sont pas les autorités tunisiennes qui s’y collent ? Demanderez-vous. Et bien on dira que le ministre de l’Economie, Samir Saïed et le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi, ont fait tout ce qu’ils pouvaient, ont atteint leurs limites face aux rebuffades du président Saied devant les exigences du FMI.

Mais de toute évidence la Tunisie, qui n’a pas les moyens de sa politique, devra manger quelques chapeaux, et quelques couleuvres, pour sortir de l’ornière. Certes le chef de l’Etat n’est en rien responsable de cette situation, il en a hérité, mais maintenant c’est lui qui a la responsabilité historique de trouver des solutions en vertu de tous les pouvoirs qu’il a pris le 25 juillet 2021.

 

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