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Migrants : la France exige de Saied ce qu’elle refuse à Meloni, au risque de la noyer et de tuer le Pacte européen

Migrants : la France exige de Saied ce qu’elle refuse à Meloni, au risque de la noyer et de tuer le Pacte européen

Après avoir lambiné, louvoyé pour ensuite promettre (c’est la Première ministre française, Elisabeth Borne, qui l’a promis le 16 septembre) de prendre sa part dans la misère du monde qui a débarqué massivement à Lampedusa Paris finalement dit non. Elle n’ouvrira pas la porte aux milliers de migrants qui affluent sur la petite île italienne, laquelle déborde littéralement. La France n’assumera rien, n’accueillera personne, assume son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui était à Rome le mardi 19 septembre. Et tant pis si cette bravade porte un coup, peut-être fatal, au Pacte de solidarité européen. Tant pis si la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni se débat seule dans sa promesse de boucler l’Italie avec un “blocus naval”. Tant pis si la dame est balayée aux prochaines élections par les vagues de migrants…

Cherchez l’erreur : 25,8 millions d’euros pour la Tunisie, 543 pour la France

Darmanin s’est rendu à Tunis en juin 2023 pour convaincre le président Kais Saied de continuer à endiguer les flots de Subsahariens qui déferlent sur les côtes européennes, en échange d’une aide de 25,8 millions d’euros plus les 100 millions brandis par l’Union européenne. Une bricole par rapport aux 543 millions d’euros versés à la France par le Royaume-Uni pour bloquer les migrants qui traversent la Manche. Des sous d’ailleurs dont Tunis n’a pas vu la couleur au motif qu’il est sorti des clous de la démocratie et des droits de l’Homme. Par contre des migrants la Tunisie en voit, beaucoup, mais étrangement la musique de la solidarité européenne s’est tue, comme elle s’est tue pour l’Italie.

Cette affaire, il ne faut pas s’y leurrer, dépasse largement le cadre de l’humanitaire, elle est aussi éminemment politique. Elle  est surtout éminemment politique pour les Européens, à quelques encablures des élections européennes – juin 2024. La majorité au pouvoir en France, celle d’Emmanuel Macron, a battu en retraite sur l’accueil des migrants parce que politiquement elle ne peut pas l’assumer devant une opinion publique chauffée à blanc par l’extrême droite et ses théories fumeuses sur la submersion par des hordes de migrants, sur le grand remplacement.

La raison a ses limites en temps de pré-campagne électorale, et les électeurs français les ont atteintes avec ces fantasmes sur la grande invasion étrangère – noire et arabe -, un terrain sur lequel prospèrent le Rassemblement national (RN), Reconquête et même la droite – Les Républicains -, un virage impulsé par l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy que d’ailleurs Darmanin connait très bien. Le président du RN, Jordan Bardella, a demandé aux autorités de ne pas accueillir les migrants de Lampedusa, pas un seul. C’est ce que fait le gouvernement.

Marion Maréchal Le Pen, transfuge du RN et qui parle maintenant au nom du très sulfureux Eric Zemour, a même fait une descente sur l’île italienne pour dire tout le mal qu’il pense du laxisme de Giorgia Meloni et des dirigeants européens dans leur ensemble. Tout est bon pour briller aux prochaines élections, même s’il faut pour cela patauger dans les théories les plus hideuses, les plus nauséeuses. Mais la nièce de Marine Le Pen en a commis bien d’autres, alors un de plus ou de moins…

Le dernier “crime politique” de Macron et le premier de Darmanin

S’il y en a un qui ne sera pas mécontent de voir Meloni se noyer c’est bien Macron et derrière lui son ministre de l’Intérieur. Ce dernier crie sur tous les toits, depuis des mois, que la très volontaire présidente du Conseil italien a lamentablement échoué sur sa politique migratoire. Le bras de fer entre les deux pays remonte à novembre 2022, quand Rome refusa catégoriquement de laisser accoster le navire humanitaire Ocean Viking qui errait déjà depuis des semaines, avec ses 230 migrants. Paris accepta finalement d’accueillir le bateau mais depuis Darmanin rumine sa vengeance.

La deuxième et la troisième économie de la zone euro sont tellement à couteaux tirés que le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a annulé sa visite programmée à Paris en mai 2023. Et depuis les deux parties n’en parlent même plus. Leurs relations, pourtant très fortes, ont été sacrifiées sur l’autel des ambitions politiques des uns et des autres. L’humanitaire, la vie des migrants et le sacro-saint pacte de solidarité européen ne pèsent pas lourd face à tout ça…

Darmanin voit loin et grand – certains disent trop grand pour ses petites épaules -, et de toute évidence c’est son heure de gloire. Cette ébullition autour des migrants est tout ce qu’il lui fallait pour pousser ses pions et enfin les imposer à travers sa très polémique Loi sur l’immigration. Sa patronne lui avait coupé les ailes en août 2022 suite à la bronca provoquée par ce projet de loi, cette fois personne ne pourra l’arrêter. On ne parlera que de lui dans les prochains mois.

Le ministre de l’Intérieur a des ambitions présidentielles et ne s’en cache pas, même si Elisabeth Borne lui a retaillé les ailes en août dernier. Tous les sondages disent que Darmanin sera écrasé dans la course à la prochaine élection par l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, le poulain de Macron. Mais 2027 c’est encore très loin, si d’ici là le soufflet autour des migrants ne retombe pas et que le bilan du candidat de Sarkozy est bon il a toutes ses chances. Donc il ne laissera personne briller à sa place : Ni Meloni, ni les Le Pen, ni Zemmour. Personne.

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